C’est la fin de l’année (ou presque). Une cohorte quitte, une autre arrive. Les finissants vont dans tous les sens: université, voyage, sabbatique, école professionnelle, cinquième session (au moins, je les revois en septembre, ceux-là). De ce fait, je ne suis pas triste qu’ils partent, enfin un peu, mais je sais que – dans l’ensemble – je leur ai tout donné ce que je pouvais. Il faut qu’ils aillent en chercher plus ailleurs.
Écrire, c’est un plaisir égoïste. C’est à moi que ça fait du bien. Enseigner, c’est différent. C’est d’abord pour les autres. Le meilleur côté, c’est lorsqu’on fait vraiment une différence dans la vie de certains jeunes. À quel niveau, je n’en sais rien: émotif, professionnel, technique ou autres. En tous les cas, dans mes cours, je leur permet d’essayer des choses, d’aller au bout d’eux-mêmes, de se dépasser, de se trouver des passions, de se sentir fier de ce qu’ils font. Juste pour cela, j’avoue que j’ai un métier en or (ça et les trois mois de vacances!).
Ceci dit, j’aime être proche de mes étudiants, les connaître, les revoir, savoir ce qu’ils deviennent, ce qu’ils font. Pour certains collègues, c’est un défaut. Il faut garder une certaine distance, imposer un rapport de force, leur montrer que dans la vie, les choses sont ainsi faites: il y a les enseignants et les apprenants. Pour moi, apprendre: ça va dans les deux sens. Moi-même, j’apprends souvent autant qu’eux, autre chose, mais j’apprends quand même: ce qui les motive, comment notre société évolue, ce qu’ils en feront aussi. Je n’ai pas besoin d’être plus forte qu’eux, j’ai besoin d’être plus stimulante qu’eux, de les faire aimer la matière, le cours, de leur enseigner que le travail peut être agréable et passionnant. Au fond, ma job, c’est ça: leur donner le goût d’en savoir plus, de travailler plus, de rendre ce monde meilleur.
Les petites fleurs sont partout: quand on apprend qu’un étudiant voulait changer de CEGEP et qu’il est finalement revenu sur sa décision après avoir suivi mon cours, qu’un autre s’en va dans une matière connexe à l’université parce qu’il a envie de continuer, d’en savoir plus, savoir que certains de mes travaux font pencher la balance pour stimuler des changements de programmes… ça compte. J’ai l’impression de faire une différence pour ces personnes-là.
La semaine dernière, j’ai reçu une pensée d’un étudiant pour me remercier pour la session. Plusieurs de mes anciens sont venus faire un tour aux tortues. Plaisir de les revoir, même si c’est sur un fond de fatigue. Un autre part dans deux jours à l’autre bout du monde et voulait aller dîner avec moi aujourd’hui. Terrasse, détente, mais un peu de tristesse aussi. Deux ans, c’est long, mais il a quand même pris le temps, dans son rush de départ, de venir prendre ce repas-là avec moi.
Peut-être que j’ai fait une différence dans ces vies-là, mais je dois avouer qu’eux aussi, ils ont fait une différence dans la mienne.