Je me souviens, lors mes cours en études littéraires, quand les professeurs parlaient du « moi », de la conscience et de toutes ces choses en lien avec la psychanalyse, il m’arrivait de croire que le concept était un peu trop exploité (ou plutôt, à toutes les sauces). Ce n’est qu’au bout de ma troisième année de bac (peut-être même la quatrième, allez savoir), que celle qui est devenue ma directrice s’est mise à parler du moi multiple ou, si vous préférez, de toutes ces personnalités qui sont là, en nous.
Évidemment, moi qui suis toujours en retard sur les autres, j’ai été frappée par la foudre. Avec un peu de maturité, je l’aurais été plusieurs années avant, mais le fait est que, ce jour-là, j’ai compris que nous étions tous des êtres multiples.
Virginia Woolf dans Orlando (je crois) écrit quelque chose qui ressemble à : « j’en ai assez de ce moi, donnez-moi un autre ». Aujourd’hui, cette phrase me fait sourire parce que tous ces « moi » que je ne voudrais pas être, mais qui me fascinent, je les fais naître de ma plume. C’est difficile, c’est long, ça nous arrache des bouts de tout, mais ça existe quand même. Et ça, c’est vraiment la magie de l’écriture.
En discutant avec des gens qui écrivent, quelqu’un m’a dit qu’il écrivait des textes courts parce qu’il était vraiment difficile de créer des personnages dans un texte long: il faut qu’il se tienne du début à la fin, qu’il ait une identité propre, qu’on y croit. Moi, les miens, j’y crois et ça me suffit. Il m’arrive de discuter avec mes personnage quand je fais la vaisselle, juste pour voir ce qu’untel dirait sur un sujet en particulier. C’est comme ça que les idées naissent et que l’imagination surgit.
Kundera disait : « Les personnages de mon roman sont mes propres possibilités qui ne se sont pas réalisées ». Nous ne sommes donc qu’une seule et unique possibilité de nous-même. Quelle chance incroyable de pouvoir créer des êtres de papier aussi vivants et de projeter en eux des tas de possibilités alors que, dans ce monde, nous ne seront jamais confinés qu’à une seule.